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VAUDOU ET LES ORIGINES

Introduction 
 
 
 
Bien qu'il soit actuellement fort popularisé outre Atlantique, le Vaudou est né en Afrique. Ce très vaste continent est peuplé de nombreuses ethnies souvent mal identifiées par les Occidentaux. Leurs cultures sont variées et et leurs religions sont différentes. Le Vaudou étudié ici est seulement l'une d'entre elles, en laquelle s'enracine le Vaudou Haïtien. Mais il y a beaucoup d'autres traditions dans l'immense et secrète Afrique. Le mot 'vaudou' s'écrit de différentes façons, voodoo, vodou, vodu, voudou, vudun, vaudoun. Il proviendrait du terme "vodun" tiré du langage Fon. Le terme parait être composé de "Vo" qui signifie en Fon "sacrifice", et de "Dù" qui veut dire, "sens ou essence" (dans l’acception spirituelle du terme). Selon B. Segurola et J. Rassinoux, il désignerait la manifestation d’une force incompréhensible. Ce "vodun" mystérieux fait naître un culte fait d’admiration, d’amour et de crainte. Le "Vodù" peut être représenté par une sorte d'idole très improprement appelé "fétiche". En réalité, l'objet, lorsqu'il existe, est seulement la demeure où réside l’esprit, le 'YE'. Le fidèle ne vénère pas la demeure mais cherche à se concilier ce "YE". Les adeptes sont des "Vodusi", des épouses du Vodù. Lorsqu'il est "venu sur leur tête", ils deviennent "Vo-dù". En langue Fon, l’expression se dit "Vodù dé aci", qui signifie "le Vodù a choisi une épouse et l’a chevauchée". La personne élue et possédée manifeste alors la divinité du Vodù. Des érudits vaudous disent que "le Vodu est l’être et le sens du sacré, la signification et l'essence du sacrifice réalisé conformément au rituel".  
 
Origines du Vaudou 
 
Les origines du Vaudou sont africaines. Il s'enracine dans un territoire qui s'étend du sud et du moyen Bénin et de la région occidentale du Nigéria à celle du bas du Togo, et qui couvre aussi une bonne partie du sud est du Ghana. On y trouve des populations des diverses cultures Yoruba, et des peuples apparentés aux Adja, tels les Fons, les Guins, les Ouatchis ainsi que les Evhés togolais. Toutes ces ethnies, géographiquement et économiquement proches, sont également culturellement reliés par les traditions cultuelles Orisha ou Vodun (Vodou), dont les concepts sont équivalents. Il n'y a cependant pas un Vodun ou Vodou de base, bien caractérisé, qui serait commun à toutes ces peuplades. Nous sommes en Afrique où la créativité est permanente et souvent floue et variable. Chaque communauté d'initiés, chaque groupe d'adeptes, pratique une forme locale de Vodun en révérant des entités ou des forces transcendantes qui s'y manifestent de façon particulière. Originellement, cette religion avait donc de multiples aspects dont la variété a encore été accrue aux Amériques par les déportations massives d'esclaves noirs d'origines diverses et de cultures distinctes. 
 
Dans ces territoires africains, quoique les variantes locales soient multiples, la culture Orisha tend encore à perdurer. Les appellations Vodun, Vaudou, ou Orisha désignent des êtres ou des puissances invisibles que les hommes s'efforcent de contrôler pour se les rendre propices. Leur acception la plus courante concerne les éléments ou les grandes forces de la nature, le Ciel, l'Eau, la Foudre, la Terre. On y trouve aussi des ancêtres célèbres ou prestigieux, le plus souvent ceux de lignée royale. En Amérique, ces entités sont appelés "LOA". Elles ne correspondent pas à notre notion de la divinité, mais sont plutôt assimilables à nos Saints ou à des Génies. Dans la pratique du Vodou, les Africains ne séparent pas nettement le sacré du profane. Les deux caractères sont mêlés dans le déroulement de la vie courante, l'exceptionnel mêlé au quotidien, le bien au mal, le magique à l'ordinaire. Et chaque substance banale est pénétrée par son propre vodoun. Chaque village, chaque famille, même chaque enfant, peut avoir le sien qui joue le rôle de protecteur particulier. C'est pourquoi les rites et les offrandes ont une grande importance car ils procureraient leur efficacité dans ce monde d'ici-bas.  
 
Depuis le 7e siècle, les populations slaves d'Europe et celles d'Afrique orientale et subsaharienne alimentaient les marchés aux esclaves du Moyen-Orient et du Maghreb. Au 16e siècle, le développement des territoires créa un énorme marché aux Amériques. Á la demande des planteurs, des marchands européens se procurèrent des esclaves africains, d'abord par des razzias, puis en achetant leurs propres sujets aux roitelets locaux. Les Yoruba de culture vaudou furent alors déportés en nombre. Rassemblés dans les plantations de coton, ils reconstituèrent leurs cultes. Ils établirent des rituels syncrétiques en combinant les diverses pratiques vaudou et en les enrichissant d'apports bantous. Incapables de stopper le commerce des esclaves, les églises chrétiennes tentèrent de les évangéliser pour sauver leurs âmes. Les maîtres imposèrent alors le baptême et le culte chrétien devint une caution morale à l'esclavagisme. Les adeptes du Vaudou masquèrent alors leurs LOA sous des images et des symboles chrétiens. Au 19e siècle, les évangélistes firent enfin cesser la traite négrière et l'esclavage fut aboli. Sous son travestissement, le Vaudou persista. 
 
Esclave Yoruba 
 
Depuis l'Antiquité, de très nombreux êtres humains ont été asservis et vendus comme des outils vivants sur les marchés aux esclaves. Á l'origine, le mot désignait des païens de race blanche, les captifs slaves que vendaient les Vénitiens. Á travers le Sahara, d'autres esclavagistes arrachaient à l'Afrique quinze millions d'esclaves noirs, castrant tous les mâles. Ces razzias provoquaient d'importants massacres. Au 16e siècle, l'exploitation des Amériques provoqua l'asservissement des Indiens. Sous Charles Quint, la Controverse de Valladolid établit qu'ils avaient une âme et devaient être évangélisés. Le légat du Pape préconisa leur remplacement par des Africains. En deux siècles, le commerce triangulaire, la traite, transféra douze millions d'esclaves noirs vers le continent américain. Cette nouvelle saignée ravagea le continent en détruisant les empires africains. Cependant, sous la pression des évangélistes et des humanistes, avec les risques de révoltes et grâce à la mécanisation, l'anti-esclavagisme progressait. Au delà des polémiques, il faut reconnaître que les nations coloniales imposèrent au Monde l'abolition de l'esclavage, la rendant enfin universelle en 1948.  
 
 
 
L'esclavage n'a pas été inventé au 16e siècle avec la vente d'esclaves noirs aux planteurs américains. Dans les guerres antiques, l'esclavage évitait (en partie) le massacre total des vaincus. Le servage, autre forme d'esclavage, a sévi dans le monde entier. Le mot "esclave" rappelle que les populations slaves d'Europe alimentaient les marchés aux esclaves d'Afrique, du Moyen-Orient et du Maghreb (comme celles d'Afrique orientale et subsaharienne). Les prédateurs y vendirent très longtemps leurs captifs, blancs ou noirs. Au 16e siècle, le développement des Amériques créa une filière transatlantique. Des roitelets africains vendirent même souvent leurs propres sujets aux avides marchands européens. Cependant, d'autres hommes imposèrent progressivement au Monde l'abolition tant attendue de l'esclavage. Les hommes blancs ou noirs actuels n'ont pas à répondre de cette situation passée. Ils ont à vaincre l'esclavage économique. 
 
Le Vaudou africain 
 
Le Vaudou (ou Vodoun) est une religion africaine traditionnelle. Peu connue en Occident, elle y est souvent qualifiée d’animiste ou d'idolâtre. Cette approche simpliste montre seulement l'ignorance ou l'incompréhension des concepts qui la sous-tendent. Cette conception de l'Univers se fonde sur l'idée de forces naturelles sous-jacentes à l'existence. Leur nature est fondamentalement spirituelle. Elles sont partout et dans tout, et gèrent le Monde. Leur réunion constitue collectivement le démiurge suprême, origine et fin dernière de l'existence. Cette divinité fondamentale ne reçoit cependant aucun culte particulier. Le Vaudou africain originel est bâti sur une cosmogonie hiérarchisée et rationnelle lui donnant les caractères d'une religion structurée. Les entités spirituelles du panthéon sont des intermédiaires entre l'humain et le divin. On peut donc les invoquer spécifiquement pour demander leur intervention ou leur protection. Ces Maîtres des forces naturelles sont plutôt des "Génies de la nature" que des "Dieux", au sens que nous donnons à la personnalisation de l'idée de divinité. On y ajoute les Ancêtres ethniques et familiaux.  
 
 
L'étude des religions du Vaudou est assez déconcertante pour un Occidental, car elles se fondent sur des concepts qui nous sont étrangers. Elles ont des aspects singuliers. Elles font des sacrifices éventuellement sanglants et usent de la possession mystique dans leurs pratiques cultuelles. Ces confréries initiatiques, selon les groupes, s'adresseraient à des esprits diversifiés. On les soupçonne aussi d'user secrètement de sorcellerie et de magie maléfique. Il faut d'abord comprendre qu'avant même d'être une religion, le Vaudou constituerait une approche métaphysique particulière du Monde, basée sur l'Homme. C'est à l'image de ce fondement (microcosmique) que l'Univers (macrocosmique) serait bâti. Or, l'Homme existe à la fois physiologiquement et spirituellement. Le Vaudou transpose donc cette dualité existentielle à l'ensemble du Monde, et il attribue à tout être un double invisible accessible sur le plan spirituel. Ce sont ces entités incorporelles, les Vodouns (ou Loas), qui sont invoquées lors des cérémonies. Elles peuvent "chevaucher l'officiant", en s'incarnant temporairement dans un corps en transe hypnotique.  
 
 
Dans la conception globale Vaudou, et à l'image de leur concept de l'Humain, toutes les choses et tous les phénomènes naturels ont donc une double nature, à la fois matérielle et spirituelle. Les puissances invisibles correspondantes sont les nombreux génies divins de la nature, appelés voduns, (ou orishas chez les Yorubas). On peut citer Hevieso, maître du ciel et de la Foudre, Sapata, maître de la Terre Amuia Ata, (Mamy Wata), la mère de l'eau. La position centrale de l'Homme dans cet aspect premier permet aux adeptes d'agir magiquement sur la Nature. Le second concept établit une autre division duale du Monde, en séparant ses aspects masculin et féminin. Ce sont les fameux "Jumeaux" dont on trouve des représentations dans toute l'Afrique. Dans la mythologie vaudou du Togo, Mawu-Lissa, dieu unique et androgyne à l'origine, créa le Monde en brisant sa propre unité. Il sépara en lui les deux principes, Lissa, le masculin, et Mawu, le féminin. Les principaux Voduns sont les enfants de ce couple de jumeaux primordiaux. Les jumeaux humains jouissent d'ailleurs d'un prestige assez propice dans la culture Yoruba, mais parfois néfaste ailleurs. 
 
 
Les deux Jumeaux - (parfois trois) - Marassa 
 
Le troisième concept est celui de l'appartenance à un groupe. Les Africains sont socialement plus intégrés à des groupes identitaires que les Occidentaux individualiste. Les fondements des communautés sont la famille, le village, le clan, la confrérie, la tribu et même l'ethnie. Il faut comprendre la famille au sens très large, en y intégrant les parents, la femme, les enfants, les familles des frères et sœurs, celles des oncles et tantes, tous les petits fils et même les familles alliées par mariages aux descendants. On arrive alors au groupe identitaire du clan qui peut compter plusieurs centaines de personnes. Le BALE, le chef du clan, est très respecté et jouit d'une autorité importante. Il peut y avoir plusieurs clans dans un village et la tribu est formée par l'union des communautés de villages. Les Bales élisent un roi qui s'occupe des affaires de la tribu, occupant cette fonction jusqu'à sa mort. Les familles et les villages choisissent leurs protecteurs voduns. Chaque individu peut aussi choisir le sien. Ainsi naissent des confréries de patronage. Les défunts, rois ou chefs de clan, et les ancêtres illustres, sont béatifiés et deviennent alors des "voduns ancêtres".  
 
 
Génies ou 'Dieux' Yoruba 
 
Avant d'être une religion au sens que nous donnons à ce mot, le Vaudou est une vision du Monde. Nous bâtissons nos propres religions sur la base conceptuelle d'un dieu créateur, origine du Monde et de l'Homme. La religiosité Vaudou s'établit à partir de l'Homme vivant dans l'instant présent. C'est la pulsion de vie, en interaction avec la nature, qui fonde cette spiritualité. Dans l'existence, tous les êtres suivent cette pulsion car ils sont poussés par des forces invisibles qui leur en insufflent le désir. Á chaque instant du Monde, les conditions de la vie sont régies par des forces naturelles et surnaturelles qu'il faut se rendre propices, ou dont il faut se protéger. Le rôle de la religion Vaudou est d'établir une relation entre l'Homme et ces forces invisibles. Elles interagissent continûment avec la vie humaine, favorablement ou dangereusement. Le Vaudou enseigne ce que sont ces êtres, comment entrer en contact, s'en faire aider ou s'en protéger, et trouver des alliés chez les ancêtres qui ont rejoint dans la mort le coté mystérieux et invisible de la vie. C'est la source des rites, des fêtes, des sacrifices, de la mythologie, des croyances et des cultes Vaudou.  
 
Deux statues dont celle de Legba, prés du fleuve Ouémé, dans le Bénin  
 
 
Il n'y a pas de culte pour le “Segbo”, l'Esprit Suprême source de la vie. La marche du monde dépend du couple de démiurges, Mawu-Lissa, (Mawu, mâle, et Lissa, femelle). L'Esprit Suprême conduit aussi d'autres esprits qui sont simplement des forces. Chaque homme s’attache à l’un de ces Voduns, par choix personnel, familial ou tribal, ou par initiation en devenant "Vodunsi", (épouse du Vodun). Les Voduns sont les forces de la nature, mer (Xu), terre (Sahpata), tonnerre (Xebioso), fer (Gu), ou des animaux dont le serpent lié à tout ce qui bouge (Dan, Ejo, Dangbé, Aïdo-Hwédo, Oshumaré). Il y a aussi des plantes. Deux Voduns sont essentiels, le Legba, génie protecteur mâle (très), bon pour ses protégés, terrible pour ses ennemis, et le Fa, génie de la divination, consulté pour trouver la solution à tout problème ou décision. Le Bokono jette 18 noix à terre et interprète la figure obtenue. Il faut distinguer le Bokono, Magicien, l’Azeto, sorcier, et l'Azongbeto, guérisseur. On vénère les ancêtres sur de petits autels en fer plantés dans la maison, car ils sont toujours présents et actifs, surtout la nuit. On surveille alors ce qu'on fait et ce qu'on dit. 
 
Amuia Ata, (Mami Wata), la mère de l'eau (Avrekétê chez les Ewés) 
 
 
Aspects du culte en Afrique 
 
En Afrique, le culte vaudou n'a pas entraîné la construction de grands temples comme la plupart des autres religions. Il ne semble en fait exister aucune vaste structure destinée à accueillir collectivement une assemblée de fidèles. L'espace vaudou qui correspond à un temple est composé de deux parties. Il y a d'une part une cour ou un péristyle accessible au public. C'est là que se déroulent les cérémonies et les sacrifices. S'y ajoute d'autre part une hutte ou un petit édicule sacré dont l'accès est interdit. On y trouve l'autel consacré à la divinité. Dans le passé, il y avait aussi des lieux et des bosquets sacrés qui ont souvent été profanés ou détruits par les colonisateurs ou les missionnaires, consciemment ou par simple ignorance. Il semble que les autorités actuelles tendraient à réhabiliter les manifestations et sites traditionnels. Elles encourageraient aussi la cohabitation avec les religions implantées, comme le Christianisme et l'Islam. Mais les concepts sous-jacents sont trop différents pour qu'on puisse imaginer une quelconque forme de syncrétisme. Les fidèles intéressés associent simplement des pratiques et les symboles traditionnel aux rites de la religion nouvelle.  
 
 
Temple Vaudou des Pythons à Ouida au Bénin 
 
Dans la pensée vaudoue, il n'y a pas de séparation entre le sacré et le profane. Le magique et le divin sont indifférenciés et conditionnent la vie quotidienne, la routine et l'exceptionnel, le mal et le bien, l'objet inerte et le vivant. Chaque chose est habitée par son vodoun, mais plusieurs entités analogues peuvent se partager le même. Ainsi Mamy Wata (mamy water, la mère de l'eau) est tout aussi présente dans l'océan, dans une rivière ou dans une bouteille d'eau minérale. On peut donc facilement l'honorer à domicile. Mais chaque rivière ou chaque ruisseau peut également posséder son propre vodoun, associé à un lieu consacré. Chaque forêt aura son vodoun et chaque arbre isolé pourra devenir sacré. Certains objets, vases, colliers, paquets, poupées, ficelles, pourront acquérir une fonction spécifique dans un groupe, une famille, ou devenir un gri-gri protecteur pour un individu particulier. De simples pierres à l'entrée des demeures deviendront éventuellement vodoun, car investies par l'esprit d'un ancêtre. Dans le passé, on enterrait les défunts sous le sol des huttes et ils recevaient une part des libations familiales par un tube aboutissant à leur bouche.  
 
 
Culte familier de l'Eau dans la société Yoruba 
 
Associés aux consultations divinatoires, des rites traditionnels balisent la vie des fidèles de la naissance à la mort. La femme enceinte doit suivre un régime alimentaire précis. Après la naissance, elle reste enfermée une semaine. Puis, à la sortie, le père donne le nom à l'enfant et formules des souhaits de vie (videton). Le garçon amoureux achète son droit de rencontre avec de l'alcool. Avant les fiançailles, on consulte l'oracle mais il faut montrer sa capacité à faire vivre un foyer. Le mariage est conclu par une cérémonie suivie du constat de la virginité de la dame. La polygamie est admise mais la première épouse, yawo, conserve la primauté. Lors d'un décès, le corps du défunt est lavé, vêtu, et honoré. Il est enterré dès la première nuit, dans le sol de sa case. Les funérailles auront lieu plus tard quand tout le monde sera là, avec une veillée, des chants, et l'offrande de nourriture. La liturgie ordinaire comporte des fêtes, des prières, et des sacrifices. Un calendrier lunaire détermine les dates des cérémonies et marchés. Les fêtes varient selon les voduns. Les sacrifices (vosisa) concernent des animaux (poulets ou chèvres) et des libations d'huile ou d'alcool.  
 
Un griot, sorte de conteur ou ménestrel africain 
 
 
Quoiqu'il perde actuellement une part de son influence dans la société africaine, le culte vaudou y occupe encore une place importante. Il est soutenu par une structure complexe et organisée fondée sur une hiérarchie formée dans des sortes d'écoles ou de couvents nommés "huxwé". Ces lieux fermés (où l'on entrait très jeune) sont encore assez nombreux. On y conserve les traditions ésotériques et le rituel initiatique communs. Depuis 1970, ces couvents sont surveillés par les pouvoirs publics et les organisations de protection de l'enfance (ONGS), ce qui ne signifie pas que le pouvoir des prêtres vaudou a disparu. "La culture africaine cache plus qu'elle ne révèle", explique Patrick Nguema Ndong, éditorialiste sur Radio Africa N°1. Le secret, c'est le "hunxo". Il est central dans le Vaudou car il conforte la connaissance, le pouvoir et la peur. On trouve donc dans le monde vaudou un aspect visible, public, accessible aux touristes occidentaux, et un aspect invisible, caché, connu des seuls initiés. Il est assez facile d'exposer le déroulement des cérémonies collectives publiques et d'en commenter les pratiques, mais il est extrêmement difficile d'accéder aux rituels secrets.  
 
Grande coiffure de cérémonie Yoruba  
 
 
Les aspects visibles du culte comprennent des pratiques privées et des fêtes collectives. Les fêtes sont organisées en l'honneur des divinités, sur les lieux réservés. Elles rassemblent de nombreux participants dont des prêtres, des adeptes, des fidèles et des gens qui ne sont que curieux. Une partie des cérémonies reste secrète. Elle est accomplie par les prêtres dans la partie interdite des lieux. Dans le péristyle accessible au public, les participants assistent aux danses rituelles des adeptes des diverses divinités et écoutent leurs chants. C'est là qu'ont lieu les sanglants sacrifices d'animaux, petits et grands, égorgés et dont le sang est ensuite déversé sur l'autel. Dans la passé, c'était parfois du sang humain qui était ainsi répandu (pratique abandonnée à la fin du 19e siècle). Pour les sacrificateurs vaudou, le sang est un fluide magique dont la nature relie le visible et l'invisible, et dont la qualité amène le divin à écouter la demande humaine. L'offrande de sang aurait donc un effet médiateur favorisant l'efficacité de la démarche engagée auprès de la divinité. Cette acception, commune à bien des religions antiques, semble hélas persister dans l'inconscient collectif.  
 
 
Iba NDIAYE - Le sacrifice du mouton - variation n°1 - 2001 - (huile sur toile, 97x146 cm) 
 
Jusqu'au niveau des sacrifices sanglants, les rites vaudou ressemblent à ceux d'autres religions traditionnelles. Mais un phénomène nouveau apparaît alors, la transe, qui manifeste la venue de l'esprit de la divinité en cause, le YE, sur la tête de la personne qu'il va posséder, le Vodusi (ou épouse du Vodù), qu'il choisit et chevauche, paraît-il, à la façon d'un cheval. La possession du Vodusi par le YE peut concerner un adepte préparé à cette situation qui se déroule alors d'une façon attendue et codifiée. Elle peut aussi affecter un Vodusi spontané, qui la subit sans préparation. L'état de transe ressemble à une crise d'épilepsie. Le sujet perd conscience. Il est agité de tremblements et de spasmes, fait les yeux blancs et parfois bave. S'il est debout, il peut tomber, mais les adeptes veillent et le soutiennent, ou le contiennent, afin d'éviter toute blessure. L'accès se termine généralement par des cris ou des flots de paroles suivis d'un retour au calme. Les adeptes s'agenouillent et chantent la gloire du YE qui vient de se manifester en faisant descendre son pouvoir. Le prêtre touche de sa clochette le front sacré de l'élu. Son visage est caché puis on l'emmène vers un lieu d'initiation.  
 
 
La descente inopinée du YE peut être dramatique car le Vodusi qui a reçu l'Acé est définitivement coupé de tous ses engagements civils antérieurs. Au "huxwé" (le couvent vaudou), le nouvel élu entre dans un noviciat initiatique qui transforme sa personnalité. Il est soumis à une discipline sévère avec des interdits comportementaux, y compris sexuels. Il doit utiliser un langage particulier, (sorte du verlan du dialecte local). Il subit des scarifications sur le corps et participe à des rituels rigoureux. Il apprend à mettre en oeuvre les savoirs occultes réservés aux adeptes, tels les vertus des sucs végétaux et des sécrétions et venins animaux, la composition des médicaments et des poisons, le traitement des maladies, etc.. Personne n'en sait plus sur ce qui se passe en ces lieux, magie blanche ou noire, et même sorcellerie. Aucun initié n'en parle. Le secret, le "hunxo", reste absolument gardé. Il est indispensable au pouvoir du Vaudou qui se fonde, comme dans d'autres religions, sur la notion du sacré, des connaissances spécifiques mystérieuses et la peur de l'inconnu et de la mort. La formation achevée, un rite de passage (AXWÃWLI) introduit enfin le novice dans la confrérie.  
 
 
 
 
Ogun - divinité du fer et de la guerre 
 
 
 
Introduction du Vaudou en Amérique 
 
En 1492, Christophe Colomb découvrit l'Amérique, et il crut jusqu'à sa mort, être arrivé aux Indes en ayant fait le tour du Monde. Il aurait débarqué dans une petite île des Bahamas, (San Salvador). Plus tard, il découvrit le continent au niveau du Vénézuéla. La mise en valeur commença donc dans les îles du Golfe du Mexique, Hispaniola (Haïti/Saint Domingue), et les Antilles. Puis, l'Espagne et le Portugal s'engagèrent vers le Centre et le Sud. La France et l'Angleterre se disputèrent âprement la cote Est et le Canada. Les Français maîtrisèrent alors un véritable empire, du Canada à la Nouvelle Orléans, puis divers traités délimitèrent les zones d'influence. Au 17e siècle, la France possédait encore Haïti et la "Nouvelle France", la "Grande Louisiane", un immense territoire de deux millions de km2, quatre fois notre France actuelle. Il s’étendait de l'embouchure du Mississipi jusqu’aux Montagnes Rocheuses. Cette "Nouvelle France" comprenait au moins les territoires de nombreux États USA actuels, comme le Montana, les Dakota du Nord et du Sud, l'ouest du Minnesota, le Kansas, le Wyoming, l'Iowa, le Colorado, le Nebraska, le Missouri, l'Oklahoma, l'Arkansas et l'actuelle Louisiane), mais cependant sans le Texas. 
 
 
Au 16e siècle, tant en Amérique du Nord que du Sud, les colons commencèrent à planter le coton, l'indigo, et la très précieuse canne à sucre, toutes cultures nécessitant une abondante main d'oeuvre. Les populations locales faiblissant, les planteurs recherchèrent des ouvriers plus robustes. En Afrique, autour du Bénin, la guerre sévissait et les rois guerriers locaux disposaient de nombreux ennemis captifs qu'ils voulaient vendre contre des armes. Disposant de vendeurs et d'acheteurs, des négociants avides organisèrent alors "le commerce triangulaire" qui transportait alternativement des hommes et des marchandises. Les captifs Yoruba et Fon furent réduits en esclavage et déportés en grand nombre dans des conditions abominables. Totalement démunis, ils n'espéraient qu'en leurs dieux. Abandonnés par ceux-ci, les esclaves recréèrent alors un Vaudou nouveau, syncrétique. Malgré les mélanges ethniques et les différences cultuelles, en dépit de leurs insuffisances dogmatiques et de l'obligation du catholicisme, ils imaginèrent un parler commun, le créole, et adoptèrent cette religion commune, le Vaudou d'Haïti et de Cuba. Il en fut de même à Bahia, au Brésil et dans les Caraïbes, avec le Candomblé ou le Macumba. 
 
Moulin pour cannes à sucre  
 
 
Les premiers esclaves furent utilisés dans les colonies anglaises, mais les Français en employèrent aussi beaucoup, d'abord à la Dominique et à Haïti, (les Indes Occidentales), puis en Louisiane. Le triste sort des noirs mettait Louis XIV mal à l'aise. Il s'opposait à la traite et fit rédiger le "Code Noir" pour améliorer leur situation. Les églises aussi tentèrent vainement de stopper leur commerce, puis décidèrent de les évangéliser pour sauver au moins leurs âmes. Le culte chrétien fut alors imposé et devint une caution morale à l'esclavagisme. C'est dans les Îles des "Indes" que fut recréé le Vaudou Haïtien. Les esclaves y jouissaient d'une certaine autonomie et vivaient regroupés à l'écart des maîtres. Ce communautarisme favorisa l'apparition des assemblées vaudou, et le nouveau culte des Esprits se répandit rapidement d'Haïti jusqu'au Brésil. L'obligation du baptême ne chassa pas les LOAS, vite masqués sous les images chrétiennes. Mais en Louisiane, pour retarder l'expansion du Vaudou, les planteurs ne réunissaient pas leurs esclaves, interdisant d'en importer provenant des Îles. Cette attitude persista jusqu'à la cession aux Américains et la révolte d'Haïti. Les esclaves des "Indes" affluèrent, amenant le Vaudou. 
 
 
En France, Louis XV ne se soucie guère de la"Nouvelle France". Le 3 novembre 1762, il la donne au roi d’Espagne. Les Louisianais le sauront en 1766, avec l'arrivée du gouverneur espagnol. Cependant, les Français demeurent et les deux autorités cohabitent. Au Nord, la guerre d’indépendance commence avec l'aide française. Les États-Unis sont fondés. Puis la Révolution française dépose Louis XVI, proclamant l'égalité des hommes et l'abolition de l'esclavage. Á la Dominique (française), les conséquences sont très graves. Des révoltes éclatent et de nombreux blancs sont massacrés. Les esclaves d'Haïti se libèrent, l'île devient une république indépendante et les fidèles vaudous fuient en Louisiane. Un traité secret de 1796 permettait de restituer la Louisiane à la France. En 1800, par un autre traité, Bonaparte la récupère. Elle redevient française mais le Consulat décide d'y maintenir l'esclavage. Jefferson proposait de racheter l'île d'Orléans garantissant l'accès au delta du Mississipi. Pour 15 millions de dollars (300 millions actuels), Bonaparte vend alors l'immense territoire de la Nouvelle France, (1600000 km2) aux États-Unis qui doublent ainsi leur superficie. Avec son Vaudou tout neuf, la Louisiane devient américaine. 
 
Qu'ai-je à faire de la Louisiane si je perds la Dominique ! disait Napoléon. 
 
 
 
 
 
La Nouvelle France ou Louisiane avant sa vente aux USA  
 
 
 
 
Le Vaudou d'Haïti et de Louisiane 
 
 
 
Des révoltes éclatèrent dans les possessions d'Amérique après la Révolution de 1789 parce que la Convention tardait à y proclamer l'abolition de l'esclavage. Á la Dominique, le pouvoir tomba dans les mains d'un révolté noir, Toussaint Louverture, qui proclama, en 1801, une constitution originale et très intéressante. Abolissant toute distinction entre blancs et noirs, elle donnait une grande autonomie à l'île qui s'affirmait cependant française. L'article 6 de son Titre III faisait du Catholicisme le seul culte autorisé, bannissant le Vaudou. C'est alors que les adeptes gagnèrent la Nouvelle Orléans, en Louisiane, avec les maîtres blancs apeurés. Bonaparte rejeta la sécession. Il fit rétablir l'esclavage dans les colonies d'Amérique et envoya une expédition pour reconquérir la Guadeloupe puis la Dominique. Capturé, Toussaint mourut en France. Il fut finalement remplacé par Jean-Jacques Dessalines, un chef intraitable qui fit massacrer les blancs et vainquit les troupes françaises. Il fit de l'île, la première république noire libre et lui donna le nom d'Haïti, et s'en proclama empereur absolu sous le nom de Jacques 1er. Sa constitution de 1805 y abolissait définitivement l'esclavage et rétablissait une liberté assez relative pour le culte vaudou. 
 
 
Autel vaudou associant des symboles chrétiens au "vévé" traçé sur le sol 
 
Au début du 19e siècle, on trouvait dans toutes ces îles et territoires, un Vaudou très particulier qui accentua encore son caractère avec le temps. Depuis l'édiction du Code Noir en 1685, l'évangélisation catholique, le baptême et la messe dominicale étaient imposés aux esclaves, et le Vaudou leur était interdit. Ces obligations religieuses ont marqué leurs comportements cultuels de plusieurs façons. L'aspect le plus évident est l'appropriation d'une partie de l'iconographie chrétienne. Associés aux "vévés", on trouve des croix, des statues de saints et d'autres symboles dans les sanctuaires vaudou d'Amérique. En réalité, ils masqueraient les "LOAS" vaudou sous des apparences acceptables aux yeux des maîtres. Par exemple et parmi les déités traditionnelles, Saint Pierre pourrait représenter Legba, Saint Jacques serait Ogou, la Vierge figurerait Erzulie, et Saint Côme et Saint Damien symboliseraient les Marassa, les deux jumeaux. En réalité, c'est beaucoup plus compliqué que cela. La symbolique est plus subtile et beaucoup d'images ont été utilisées tant pour les déités amenées d'Afrique que pour les esprits issus du continent américain. Il y a aussi des évolutions conceptuelles importantes, un Vaudou rouge et un Vaudou blanc. 
 
Les "Jumeaux" vaudou et leurs représentations haïtiennes 
par les saints jumeaux chrétiens, St Côme et St Damien 
 
 
 
En principe, les cérémonies vaudous commencent ici par l'invocation du Grand-Maître divin. En Afrique, cet esprit suprême ne reçoit aucun culte. Il est un Vodun ou un Orisha comme ceux qu'il conduit. Il procéderait en fait des forces naturelles dont il personnifierait la somme. En Amérique, c'est le Grand Dieu chrétien qui est appelé. C'est lui qui régit les LOAS de la nature qu'il peut mettre au service des hommes. Il y a donc là un renversement majeur des concepts déterminant l'essence de la divinité souveraine. Mais, quoique l'Afrique soit devenue un peu mythique et inaccessible, ses traditions mystiques ont été sauvegardées. Certains LOAS d'Haïti sont donc des Voduns issus du polythéisme Fon et Yorouba du Bénin ou du Dahomey. Il faut y ajouter des déités "Zémès" héritées des Amérindiens (Arawaks). Enfin, de nouveaux et nombreux LOAS sont indigènes (ou créoles). Ils sont nés dans le nouveau milieu ou de nouveaux ancêtres. Les LOAS de tradition africaine ont un caractère assez bénéfique. Ils relèvent du culte "Rada". Les nouveaux LOAS nés de l’esclavage reçoivent un culte différents dit "Petro", et sont d'une nature plus équivoque. Il y a aussi d'autres familles d'esprits d'un genre plus sombre, tels les GHEDES et EXU) .  
 
 
 
Le rite Rada perpétue la tradition africaine et l'aspect positif du culte dont il constitue la base. Son panthéon rassemble les plus puissants LOAS. On y trouve Damballah Wédo, génie du Ciel, du Soleil, de la Terre et de la fécondité. Maître des eaux, ses symboles sont la couleuvre et l'oeuf. Sa forme féminine (son épouse) est Aïda Wédo. Alliés dans l'arc en ciel, ils procurent bonheur et richesse. Papa Legba est le gardien des chemins. Il ouvre les portes, y compris celles du monde spirituel. Il est aussi le génie (mâle) de la fécondité et du destin. Son épouse est Aïzan, protectrice des marchés. Sa vertu est la pureté. Elle accorde la puissance à ses protégés et confère la connaissance et le don de guérison aux houngans, les prêtres. Erzulie-Freda est la grande divinité de la beauté et de l'amour, symbolisée par la Vierge Marie. Ses protégés doivent l'épouser. Agoué, époux d'Erzulie, est le génie de la mer et protège les marins. Il y a aussi Ogou-Ferraille, patron des forgerons et génie de la guerre. Loko-Atisou, l'esprit de la végétation est guérisseur. Zaka protège les cultivateurs. Sogbo maîtrise la foudre. Badère conduit le vent. On y ajoute le Baron-Samedi, avec un statut particulier. Et il y a beaucoup d'autres LOAS rada.  
 
Autel vaudou 
 
 
 
Le Baron-Samedi (Baron-la-croix, Baron-Cimetière) est un LOA fort important. Il commande aux Guédés fossoyeurs, les génies de la mort et du redevenir, et la Grande Brigitte (Grann Brigitte) est son épouse. Portant habit noir, haut de forme et bâton, il fume le cigare. Ses célébrations ont souvent lieu dans les cimetières, et son attribut symbolique est la croix. Le Baron appartient à la fois aux cultes Rada et Petro (comme Sogou, Agoué et Loko). Les doublons négatifs des LOAS RADA ambivalents ont un attribut distinctif dans le culte Petro. Celui-ci rassemble les LOAS haïtiens et ceux venus du Congo. On peut citer Don Pedro, fondateur du rite, Ti Jean Petro, son fils, Petro-yeux-rouges, le sorcier, Marinét-Bras-Séché, sa maîtresse, Maître Grand-Bois, génie des plantes, Maloulou, maître du Feu, les Taureaux, brutaux, Baron-Piquant, un Kita néfaste, Brisé, guédé, Krabinay, violent, Zombi, guédé de la chance, Makandal et Dessalines, esprits ancestraux liés à l'insurrection haïtienne. Les loas congolais sont Kita, sorcier togolais, Bumba, guédé, Bakoulou Baka, terrible, Mèt-Pamba, démon, Zandor, congolais, Mondong-Moussai, tueur de chiens, Wangol, angolais, Siniga, sénégalais, Ossange, Simbi, etc.. Tous ces LOAS négatifs peuvent aussi adopter et posséder les fidèles de leur choix.  
 
 
 
 
Vévé des LOAS Dambalah et Aïda - (protecteurs des couples) 
 
Rites Kongo, Nago, Petro, Rada - Icônes St Patrick et Immaculée Conception. 
Les deux serpents dans le Vévé représentent le couple Danmbala et Aïda.  
 
 
Les Rites du Vaudou Haïtien 
 
 
Toutes les cérémonies commencent par l'invocation 
"Papa Legba, ouvre la barrière afin que je passe !" 
 
 
 
Vévé de Papa Legba 
 
Quoique sa doctrine demeure complexe et floue, le Vaudou est donc une religion avec des prêtres, "houngan" ou des prêtresses "mambo". Elle comporte de nombreuses cérémonies ainsi que des prières et des libations. Le rituel est extrêmement diversifié ce qui en rend la description fort difficile, et l'on ne peut évoquer que les rites les plus courants. Le "boule-zen", est un rite polyvalent utilisé lors des initiations, des funérailles, et des services importants. Il s'articule autour d'une action remarquable impliquant un baptême (purification) par le feu. Des marmites culinaires enduites d'huile sont enflammées. On fait ensuite rapidement passer les objets rituels sacrés à travers ces flammes. Le "retrait de l'eau" est autre rite polyvalent associé aux funérailles. Des vases sacrés, les "govi", sont destinés à recueillir les esprits des morts. Ceux-ci sont momentanément réfugiés dans l'océan (symbolisé localement par un récipient plein d'eau et dissimulé sur lequel l'officiant, houngan ou mambo, dessine un vévé). Il invoque longuement les LOAS et demande à chaque âme concernée de quitter l'eau pour entrer dans le govi afin de communiquer avec sa famille. Le rite entraîne souvent des manifestations psychiques associées au spiritisme.  
 
L'arrivée du "la-place", ou sabreur d'Ogou, dans le rite d'inauguration d'un houmfort 
 
 
L'initiation, kanzo, à la fois mort et résurrection, doit permettre aux les candidats de supporter les transes et la descente du LOA. Complexe, elle dure des mois et comporte plusieurs degrés successifs qu'on ne peut détailler ici. Une initiation encore plus poussée précède la consécration des prêtres, houngans ou mambos, qui sont intronisés dans le houmfort, le lieu de culte qui leur est confié. Les prêtres y reçoivent alors leur collier rituel, le houngé-vé. Les changements hiérarchiques sont marqués par le "haussement", une triple élévation du houngan assis dans un fauteuil. Aujourd'hui, l'inauguration d'un houmfort, (sanctuaire), est devenue rare. Elle demeure l'occasion d'une cérémonie importante très ritualisée. Dans le sanctuaire décoré, la Mambo donne le départ au son des clochettes et tambours rituels. Elle invoque le Grand Maître et les principaux LOAS puis procède à une aspersion d'eau vers les points cardinaux. Elle trace ensuite le Vévé de Legba et l'asperge de rhum avant de sacrifier plusieurs petits animaux, un poulet bigarré (zinga) à Papa Legba, un pigeon blanc à Aïzan, un autre aux Jumeaux, un coq gris à Loko. La cérémonie contient aussi un simulacre de combat avec le "la-place", le sabreur du loa Ogou, à qui est sacrifié un coq rouge.  
 
Cérémonies traditionnelles Vaudou 
 
 
 
La cérémonie traditionnelle constitue le fondement du rite vaudou. Elle est pratiquée dans le Hounfor, le temple vaudou, sous la conduite du Houngan, le prêtre, ou de la Mambo, la prêtresse, mais elle peut l'être à l'extérieur. Les initiés jouent divers rôles, musiciens, danseurs, sacrificateur, spectateurs. Rappelons que ce temple comporte au moins deux espaces, un péristyle en terre battue, accessible à tous, et une chambre sacrée (bagui ou sobagui) qui est le sanctuaire véritable et contient l'autel. Le péristyle est décoré de drapeaux et comporte une colonne centrale rouge et bleue. Ce poteau-mitan symbolise le chemin de la descente des esprits. La cérémonie comporte deux phases. Elle commence par l'appel des LOAS. L'espace de culte est sacralisé par un jeté d'eau (jétédlo), puis les offrandes sont rassemblées au pied du poteau-mitan, et on dessine les vévé des divinités concernées. On dispose ensuite les objets sacrés rituels aux points cardinaux et sur le poteau. Les fidèles engagent alors les danses rituelles au battements des tambours qui sont des éléments rituels importants. Leur son obsédant établit le contact entre les deux mondes. La cérémonie rada use de trois tambours allant de 50 cm à 1 mètre. Il n'y a que deux tambours plus petits dans le rite petro. 
 
 
La seconde phase de la cérémonie comporte un sacrifice. Il peut s'agir d'offrandes rituelles de boissons, de liqueurs ou d'aliments appréciés par les LOAS que l'on honore. Il existe un inventaire précis de leurs goûts comme des couleurs qu'ils préfèrent. Ces offrandes sont les "mangers secs". Les cérémonies plus importantes appellent un sacrifice sanglant, (mais cela n'est pas particulier au vaudou). Un animal est préparé, nourri, décoré, parfois parfumé. Ce peut être un volatile, poule ou pigeon, ou une chèvre, un mouton, voire un chien. Puis les tambours battent avec frénésie pendant que le sacrificateur l'égorge en répandant le sang sur le sol de terre battue. Le cadavre est ensuite offert aux quatre points cardinaux. Les initiés mouillent de sang leurs mains puis, avec des chants et des danses, ils appellent la descente des LOAS. Il arrive alors souvent que l'un des initiés pris de transe se mette à danses frénétiquement et d'une façon spécifique à l'esprit qui descend sur lui. La transe devient spectaculaire lorsque le LOA entre dans ce corps. On dit que la personne est chevauchée. Elle perd conscience et doit être assistée pour ne pas tomber ni se blesser. Ici comme en Afrique, un lien définitif a été créé entre le LOA et son élu, et il subsistera la vie entière.  
 
Représentation folklorique d'un sacrifice vaudou 
 
 
Comme toutes les religions, le vaudou comporte des rites funéraires. Le plus important, le "desounen" est réservé aux personnalités. Il rompt le lien mystique créé par l'initiation entre le défunt et son LOA protecteur. Le "kase-kanari" est plus ordinaire. Cet adieu définitif au mort est symbolisé par le bris collectif d'une jarre remplie d'aliments sacrés. Ses débris sont enterrés et l'on trace un vévé dessus. Dans le vaudou, les défunts connaissent une forme de survie et peuvent devenir des génies protecteurs ou maléfiques. On les craint donc, et l'on fait, chaque année, des offrandes propitiatoires aux morts, le "manje-lémo" (le manger des morts). Ces largesses se terminent par un banquet accompagné de chants et de danses. En fait, le désir d'élévation spirituelle du fidèle est contenu dans une unique séquence liturgique continue bornée par deux rites, l'initiatique et le funéraire. Une catégorie particulière de LOAS est en charge des problèmes liés à la mort. Ce sont les GUÉDÉS dont le chef est Baron-Samedi. Ils détiennent à la fois les lois de la putréfaction et celles du renouveau. Ce sont des fossoyeurs mais aussi des purificateurs. C'est pourquoi leur croix de mort symbolique porte des signes de la vie.  
 
 
Aspects complémentaires 
 
 
 
La danse, la musique et les chants jouent un rôle essenteil dans les cérémonies. La danse sacrée (danse-loa) attirerait l'attention des LOAS. Son action est soutenue par des chants traditionnels d'origine africaine. Ils ont été portés par la mémoire des anciens esclaves, et beaucoup d'entre eux sont incomplets. Ce qui en reste est donc répété en forme de litanie par les choeurs officiants. Les tambours sacrés sont les instruments symboliques du culte vaudou. Ils sont souvent considérés comme étant la voix des esprits ou celle qui leur parle car leur battement diffère selon le LOA invoqué. Leur rôle est tellement important qu'ils ont une identité. Le plus grand des tambours Rada s'appelle manman, ou hounto, le second est hountoti, le plus petit est boula ou kata. Le plus grand tambour Petro se nomme aussi manman ou gros baka, et le plus petit est pitit ou ti-baka. Les rituels utilisent un autre instrument important, l'ogan, une petite cloche qui règle le rythme général de la musique, des chants et des danses. En Afrique, elle est utilisée pour déclencher la transe des initiés. Les rythmes du vaudou auraient inspiré la musique d'Haïti. Ses chants sacrés constitueraient la source du blues de la Nouvelle Orléans. 
 
Orchestre de la Nouvelle Orléans 
 
 
 
La réputation magique du Vaudou inquiète et fascine à la fois. Ses prêtres ont une connaissance approfondie de la pharmacopée naturelle et disposent de substances pouvant êtres des remèdes ou des poisons. En général, le Houngan cherche à harmoniser les diverses formes de vie. Dans cet aspect, il est un thérapeute qui soigne les corps et les âmes avec ses moyens propres. La nature des soins proposés peut surprendre mais l'intention n'est pas de nuire. Il joue aussi un rôle de prévention en proposant des talismans (gri-gri) souvent associés à des prières. Il met simultanément en oeuvre la chimie et la magie blanche en travaillant sur les deux plans de la nature. Dans un même soin, il combine des médicaments reconnus avec des éléments évocateurs des LOAS dont il sollicite l'assistance. On peut être surpris de trouver un clou de fer ou une vertèbre de couleuvre dans le sachet d'un gri-gri. Cela signifie probablement que le Houngan demande à Ogou ou à Dambalah Aïda d'appuyer son intention. Nous savons que la vie terrestre de chaque fidèle vaudou est placée sous le patronage de plusieurs LOAS communautaires ou personnels. Les soins médicaux et le gri-gri protecteur doivent donc être soigneusement personnalisés par le savoir du Houngan. 
 
 
Amulette ou Gri-Gri 
(combinaison d'éléments en corne et en fer) 
 
 
Dagide Vaudou 
(poupée pour magie noire et envoûtements) 
 
Le Vaudou utilise fréquemment les services des devins qui s'aident de curieux moyens de divination dont l'un est une boule prolongée par deux cordons portant chacune huit coques de noix. Le devin les abat sur un plateau et la position ouverte ou fermée des coques établit l'oracle. Le vaudou compte aussi des sorciers, les "Bokor", qui ont beaucoup fait pour sa mauvaise réputation. Cédant à la vénalité, ces prêtres utilisent les LOAS PETRO pour pratiquer la magie noire. On achète leurs services pour nuire à autrui. Ils fourniraient des produits toxiques comme l'arsenic ou le calomel et des extraits vénéneux végétaux et animaux, voire des poisons mortels. On les soupçonne de pratiquer des envoûtements sur les "dagides", des poupées magiquement liées à leur victime. Elles sont percées d'aiguilles pour projeter des souffrances. Nos sorciers européens connaissaient déjà cela. Le Bokor transformerait des personnes en loup-garous ou en morts-vivants, (zombis). Le Bokor utiliserait une drogue provoquant une léthargie profonde. Il réveillerait ensuite la personne enterrée avec un contre poison. Le zombi décérébré deviendrait son esclave. La "magie d'expédition", enverrait des esprits défunts pour détruire les gens. C'est la face secrète et sombre du Vaudou. 
 
 
Représentation esthétique de zombies sortant de terre. 
 
Autre image plus traditionnelle 
 
 
 
 
 

 

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Modifié en dernier lieu le 13.06.2015
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